Tout ce qu’il faut savoir sur les autoroutes gratuites en Espagne

Si vous envisagez de traverser l’Espagne en voiture, vous avez sans doute déjà entendu parler de ces autoroutes gratuites. En effet, depuis quelques années, à mesure que leurs concessions arrivent à expiration, elles le deviennent progressivement. Ce changement suscite de nombreuses questions, tout en permettant aux automobilistes de réaliser parfois d’importantes économies sur leurs déplacements. En rendant la découverte du pays encore plus accessible, cette mesure stimule l’attrait touristique, notamment hors saison.

Dans cet article, nous ferons le point sur les autoroutes concernées, sur les raisons de leur gratuité et sur sa durée d’application.

En Espagne, les autoroutes sont classées en deux catégories principales : les "A" (Autovías), qui sont généralement gratuites, et les "AP" (Autopistas de Peaje), qui sont des autoroutes à péage. Les AP sont des routes qui sont exploitées sous un système de concession privée, nécessitant un paiement (système de péage)  pour leur utilisation.

Pour réussir à les reconnaître : 

• Observez la signalisation : si le nom de l’autoroute commence par "A-", elle est gratuite.
• Repérez les panneaux de péage : si vous voyez "Peaje" sur un panneau, il s’agit d’une route payante.
• Utilisez Google Maps ou un GPS moderne : ils signalent si une autoroute est à péage ou non. Entrez votre itinéraire et activez l’option “éviter les routes à péage” si vous préférez ne circuler que sur des routes gratuites.
• Renseignez-vous sur le calendrier des autoroutes gratuites en Espagne car si vous prenez une AP récemment libérée, elle peut être gratuite.

Depuis la décision prise par Pédro Sanchez de ne renouveler aucun contrat de concession, plusieurs autoroutes ont été transférées sous gestion publique, les rendant gratuites. C'est le cas notamment de :

• AP-1 : le tronçon entre Burgos et Armiñón, qui est gratuit depuis décembre 2018.
• AP-4 : la section reliant Séville à Cadix, qui est gratuite depuis janvier 2020.
• AP-7 : les sections entre Tarragone et Alicante, ainsi qu'entre La Jonquera (frontière française) et Barcelone, sont devenues gratuites en septembre 2021.
• AP-2 : le tronçon entre Saragosse et la Méditerranée est également gratuit depuis septembre 2021.

En 2026, l’AP-68 entre Bilbao et Saragosse deviendra gratuite.

En 2029, trois nouvelles autoroutes d’un total de 115 kilomètres, reliant les provinces de Madrid, Ségovie et Avila, sont susceptibles de devenir les prochaines autoroutes gratuites en Espagne. Il s’agit de : 

• AP-6 : le tronçon qui part de Collado Villalba et se termine à Adanero en traversant les tunnels de Guadarrama.
• AP-51 : le tronçon reliant Villacastin à Ségovie avec la ville d’Avila. 
• AP-61 : le tronçon qui va de San Rafael jusqu'aux portes de Ségovie.

Le contrat de gestion de ces autoroutes prévaut encore jusqu’au 19 novembre 2029.

Le tronçon Madrid-Guadalajara (autoroute R-2) sera gratuit en 2039. Entre 2040 et 2048, 4 autoroutes deviendront gratuites en Espagne :

• AP-7  (entre Carthagène et Vera).
• AP-36  (Périphérique d'Alicante).
• AP-41  (entre Madrid et Tolède).
• AP-46  (entre Pic Pedrizas et Malaga).

En 2046, ce sera le tour de l’AP-7 (entre Malaga et Estepona). Suivi de AP-7 (entre Alicante et Carthagène) et l’AP-9 (entre Ferrol et la frontière portugaise) en 2048.

Une chose est sûre, le délai d’attente pour que toutes les autoroutes espagnoles deviennent gratuites est encore long car la dernière concession signée, l’AP-53 (autoroute centrale de Galice), prendra fin en 2074.

💡 Bon à savoir : si de nombreuses autoroutes espagnoles sont devenues gratuites, certaines restent encore payantes ! Avec le badge télépéage Ulys, plus besoin de s’arrêter, de prendre un ticket ou de se soucier du paiement : tout se fait automatiquement.

L’Espagne est un des rares pays européens à disposer d’un réseau autoroutier largement gratuit. Cette situation est le résultat d’un mélange de décisions historiques et de réformes récentes impulsées par le gouvernement espagnol.

En effet, deux modèles différents ont été utilisés pour financer la construction et l’entretien des autoroutes :

• Le modèle de paiement à l’usage (péages)

Adoptées dans certaines régions comme la Catalogne, la Galice et la Communauté Valencienne, les autoroutes y ont été construites grâce à des concessionnaires privées. Ce qui signifie que des entreprises ont investi dans leur construction en échange du droit de percevoir des péages pour rentabiliser leur investissement. Ces provinces ont donc bénéficié d’infrastructures modernes plus tôt que d’autres régions.

• Le modèle financé par le budget général de l'État

Dans d’autres régions d’Espagne, les autoroutes ont été financées directement par l’État sans recours aux péages. Cela signifie que les habitants de ces régions n’avaient pas besoin de payer à l’usage, mais ces infrastructures ont mis plus de temps à être développées, car elles dépendaient des fonds publics.

Ainsi, ce système a créé une disparité entre les provinces. Certaines régions ont eu accès plus tôt à un réseau autoroutier de haute qualité mais ont dû payer des péages. D’autres ont dû attendre plus longtemps, mais n’ont jamais eu à payer directement pour leurs autoroutes, puisque l’État finançait leur construction et leur entretien via le budget public. En supprimant progressivement les péages à l’expiration des concessions, le gouvernement veut "homogénéiser la situation" et mettre fin à cette inégalité. 

L’objectif est que toutes les régions bénéficient du même modèle de financement, sans que certaines continuent à payer des péages pendant que d’autres ont des routes gratuites financées par l’État.

L’arrivée des autoroutes gratuites en Espagne a un impact significatif sur plusieurs aspects du pays, notamment pour les automobilistes, le tourisme, l'économie et le trafic routier. Voici un décryptage des principaux changements :

Économies pour les usagers

Les automobilistes et les transporteurs empruntant ces segments d’autoroutes gratuites économisent désormais le coût des péages, ce qui peut représenter un budget non négligeable sur de longs trajets. Les touristes, notamment français traversant la frontière pour rejoindre Barcelone, Valence ou d’autres villes côtières, profitent également de ces économies.

Flux de circulation

La suppression des péages a attiré davantage d’usagers sur les tronçons devenus gratuits. Ce qui a entraîné une augmentation significative du trafic sur ces axes, provoquant parfois des congestions aux heures de pointe. Par exemple, après la suppression des péages sur l'AP-7, le trafic des véhicules légers a augmenté de 40 % sur certaines sections, entraînant des embouteillages notables.

L’entretien et la maintenance des autoroutes gratuites

La transition vers des autoroutes gratuites a entraîné une redistribution du trafic, avec une augmentation notable sur les axes précédemment payants. Cette situation pose des défis en matière de gestion du trafic et d'entretien des infrastructures. Puisque l’autoroute ne génère plus de revenus de péage, son entretien repose désormais sur les finances publiques. Les autorités espagnoles doivent donc prévoir un budget spécifique pour maintenir ces routes en bon état (voire, plus tard, envisager des taxes spécifiques).

Attractivité touristique et économique

Les destinations situées à proximité de ces autoroutes gagnent en attractivité pour les touristes nationaux et internationaux, car le coût total du voyage diminue et le trajet peut être plus rapide (si le trafic reste fluide). Les transporteurs routiers peuvent répercuter cette baisse sur leurs coûts ou tout au moins stabiliser leurs tarifs de fret.

D’après plusieurs sources d’actualité, la Commission Européenne a lancé un ultimatum à l’Espagne, lui accordant un délai de deux mois pour qu’elle mette fin aux autoroutes sans péage, du moins sur celles qui appartiennent au réseau à caractère européen. 

💡 : Lorsque la Commission Européenne parle de « réseau à caractère européen », elle fait principalement référence au « réseau transeuropéen de transport » (souvent abrégé « RTE-T » ou « TEN-T » en anglais). Ce réseau inclut les infrastructures (routes, voies ferrées, voies navigables, ports et aéroports) considérées comme stratégiques pour la connectivité à l’échelle de l’Union Européenne.

Selon la presse espagnole, la Commission européenne reproche avant tout à l’Espagne de ne pas se conformer aux principes de la législation européenne sur le financement des infrastructures routières. Voici, résumées, les reproches de l’UE : 

• L’UE impose aux états membres de mettre en place des mécanismes de tarification de l’usage des routes (essentiellement pour couvrir les frais d’entretien et de maintenance), en particulier sur les réseaux à caractère européen. Or, l’Espagne, en rendant certaines routes totalement gratuites (dont celles relevant de ce réseau), ne respecterait pas les directives qui prévoient d’appliquer le principe « pollueur-payeur », afin que les usagers contribuent aux coûts d’entretien des infrastructures.
• L’UE met en avant la nécessité de financer et d’entretenir correctement le réseau autoroutier transnational. Or, les autoroutes sans péage en Espagne pourraient créer un déséquilibre concurrentiel au sein du marché unique (par exemple pour le secteur du transport routier), dans la mesure où certains transporteurs étrangers bénéficieraient d’infrastructures gratuites en Espagne, alors qu’ils paient ailleurs en Europe.

La commission justifie sa position en invoquant le respect des règles européennes de financement des infrastructures (Eurovignette, principes “pollueur-payeur” et “utilisateur-payeur”), l’équité concurrentielle entre transporteurs, et la nécessité pour l’Espagne de garantir un entretien durable de son réseau autoroutier. Il n’est donc pas impossible que d’ici quelques temps, certaines autoroutes redeviennent payantes ou alors que de nouveaux mécanismes de paiement émergent.

L’Espagne poursuit progressivement sa transition vers un réseau autoroutier plus accessible, en levant les péages sur de nombreux tronçons. Cette évolution représente une véritable aubaine pour les automobilistes et les transporteurs, avec des économies substantielles à la clé. Toutefois, l’avenir de cette gratuité reste incertain face aux exigences européennes et aux défis de financement des infrastructures.